Nda : L’année 2019 est marquée par le grand retour de Bernard Allison sur les routes européennes. Rares, en effet, sont les pays du vieux continents qui ne seront pas visités durant cette tournée qui précède un long périple estival dans les festivals les plus en vue (et les clubs les plus mythiques) d’Amérique du Nord. Il faut dire que le fils du regretté géant du blues, Luther Allison, met à poing d’honneur à défendre son dernier album en date « Let It Go » (paru sur le label Ruf Records) qui, magnifié par le travail de production de Jim Gaines, est en passe de devenir un élément charnière de sa déjà longue carrière. Enregistré à la suite de tragiques évènements familiaux, le chanteur-guitariste s’y montre en effet plus sincère et émouvant que jamais…Armé de son inaltérable gentillesse, Bernard Allison m’a reçu dans sa loge, en amont de l’une de ses prestations scéniques, afin de revenir sur cette actualité brûlante puis, en off, de se remémorer en ma compagnie des souvenirs de concerts, de nombreuses rencontres (avec ou sans son père) et son inoubliable venue dans le studio de Route 66 en avril 2008. Une poignée d’heures plus tard, accompagné par un groupe doté d’une solidité à toute épreuve, il livrait un show dont seule la famille Allison a le secret…
Bernard, quel est le groupe qui t’accompagne sur cette tournée européenne 2019 ?
Nous sommes le Bernard Allison Group qui est constitué de moi-même, Bernard Allison, à la guitare et au chant. A mes côtés il y a Mario Dawson à la batterie, George Moye à la basse, Jose James au saxophone et aux percussions ainsi que Dylan Salfer à la guitare.
Le fait de te revoir en France est toujours un véritable plaisir. Quels souvenirs conserves-tu de l’époque où tu passais beaucoup de temps ici ?
La France est un endroit très particulier à mes yeux. Ce pays est étroitement lié à la position que j’occupe actuellement sur la scène musicale, car j’y ai appris beaucoup de choses. Tu sais, c’est ici que j’ai débuté aux côtés de mon père puisque j’ai habité à proximité de Paris pendant 12 ans. J’y ai rencontré de nombreux artistes de blues et de rock que j’ai vraiment appréciés et avec lesquels j’ai passé d’excellents moments. Je peux, aussi, te citer toi…car tu as toujours été là et tu m’as souvent interviewé tout au long de ces années. A chaque fois que je reviens, j’ai l’impression de retrouver une sorte de famille en laquelle je crois et qui a toujours cru en moi.
Peux-tu me présenter ton dernier album, « Let It Go » (Ruf Records) qui est paru en 2018 ?
C’est un album que nous avons élaboré sur les bords du fleuve Mississippi, dans le studio du producteur Jim Gaines. Le fait de réaliser cet enregistrement auprès de Jim était un véritable honneur. C’était un moment formidable et très facile, car il s’agissait de mon troisième enregistrement produit par monsieur Jim Gaines. Le groupe m’a rejoint et tout s’est aussi bien passé en ce qui le concerne. Tout le monde était très heureux de se retrouver.
Peux-tu revenir sur cette nouvelle collaboration et, surtout, sur cette relation amicale que tu entretiens avec Jim Gaines ?
Cela remonte à mon père car je crois qu’ils ont produit 4 albums ensemble. Chaque producteur est différent des autres, les vibrations et les idées ne sont pas les mêmes. Nous faisons de la musique et lui y appose son tampon, sa marque de fabrique. Jim est doté d’une excellente oreille musicale et parvient à découvrir des choses que nous-mêmes n’avons pas entendues. Il exploite chaque étape de la production, afin d’en tirer le meilleur et de l’emmener au sommet. Waouh, c’est très impressionnant…ce gars entend tout et déborde d’imagination (rires) !
Justement, pour toi, en quoi Jim Gaines est-il différent des autres producteurs ?
Dans un premier, son studio est installé dans la maison familiale de son épouse. Nous travaillons entre la cuisine, le salon, les chambres et la salle à manger (rires). C’est vraiment comme si nous enregistrions un album dans notre propre maison. Il en découle un son très particulier, qui est propre à cet endroit. D’autant plus que Jim utilise le même matériel d’enregistrement depuis de très nombreuses années. Des appareils qui ont été utilisés lors de sessions ayant abouti à des disques de Santana, de Pink Floyd, du Steve Miller Band, de Stevie Ray Vaughan etc. Il parvient à créer une atmosphère de confiance et se comporte avec nous comme un grand frère. Bien sûr, il était aussi un ami très proche de mon père et il nous aide pour que notre travaille en studio soit le plus confortable possible.
Il est très facile de reconnaitre un disque produit par Jim Gaines, tant sa marque de fabrique est particulière. Comment peux-tu expliquer ce fait ?
C’est difficile à expliquer… Sa technique est particulière. Il est vraiment l’un des plus formidables producteurs de la planète. Tous les grands noms possèdent un son qui leur est propre. Je pense que les idées de Jim sont très instinctives… Dans le passé, j’ai aussi eu la chance de travailler avec David Z (connu pour son travail avec Prince, Buddy Guy, Billy Idol, Neneh Cherry ou encore Etta James). Son oreille est différente, tout comme sa technique de travail. C’est quelque chose d’assez compliquée à saisir mais pour nous, le fait de travailler avec de telles personnes, est très impressionnant…alors que, pour eux, c’est tout à fait normal tu sais (rires).
Ruf Records a, également, toujours été très présent pour la famille Allison. Que représente ce label pour toi ?
Mon père était à l’origine du label, c’est lui qui a donné l’idée à Thomas Ruf de créer sa propre maison de disques. C’est lui qui a guidé monsieur Thomas Ruf dans le business du disque car, auparavant, ce dernier était uniquement promoteur dans le monde de la musique. Au fil des ans, mon père a probablement enregistré 7 ou 8 albums pour Ruf. C’est, également, mon cas. Après une pause, durant laquelle j’ai enregistré pour Jazzhaus Records ou CC Entertainment, j’ai signé mon retour chez Ruf Records en 2018 avec cet album, « Let It Go » mais aussi avec un CD/DVD (en compagnie de Mike Zito et Vanja Sky) retraçant l’édition 2018 de la tournée « Blues Caravan ». Thomas est très actif, en ce qui concerne les rencontres artistiques de ce type. Lui aussi, est parvenu à créer une famille. Une chose que peu de gens parviennent à faire. Je suis très content d’avoir eu l’opportunité de la retrouver. Pour nous, Ruf Records est une véritable maison…et c’est grâce à Thomas !
Comment qualifies-tu la place qui était la tienne dans cette « Blues Caravan 2018 », étais-tu considéré comme une sorte de grand frère ?
Cette édition de la « Blues Caravan » était différente des précédentes car il s’agissait d’une tournée réalisée en hommage à mon père, Luther Allison. De ce fait, j’en étais un peu le leader. Mike Zito qui est aussi un artiste très impliqué et reconnu m’a fait le plaisir de m’accompagner sur cet hommage. La chanteuse-guitariste Vanja Sky était à nos côtés. Chacun de nous à fait son propre set, avant que nous livrions ensemble cet hommage. Durant celui-ci, nous n’avons interprété que des morceaux de Luther Allison. Chacune de ces tournées est différente. Il y a à chaque fois des artistes et des concepts différents. C’est une idée originale de Thomas qui, au départ, privilégiait les jeunes artistes afin de les faire connaitre au public. Il tenait à leur offrir cette incroyable opportunité. Avant son décès, mon père l’avais encouragé dans ce sens car lui aussi a toujours souhaité donné leur chance aux jeunes musiciens. Thomas a respecté et suivi son souhait…
Où as-tu puisé ton inspiré, au moment de l’élaboration de l’album « Let It Go » ?
« Let It Go » est un disque très spécial car, à l’approche de son enregistrement, j’ai perdu deux membres de ma famille. En effet, ma sœur est décédée suivie, trois semaines plus tard, par mon frère aîné. L’écriture du disque était très avancée mais j’ai pu modifier ou réorganiser certains textes et même certaines parties musicales afin de leur rendre hommage. Le précédent décès dans ma famille était celui de mon père… Cela a donc donné un ton très particulier au disque puisque mon état d’esprit était très occupé par ces disparitions. Jim Gaines a compris cela et a trouvé le bon ton pour ces chansons. Il a œuvré pour travailler dans la nuance, sans proposer un power blues trop brutal, uniquement constitué de soli de guitares. Il a produit un joli son, dotés de jolis arrangements. Il m’a suffit d’y ajouter de bons textes afin d’obtenir ce disque unique et sans précédent, car je n’avais jamais connu de situation similaire auparavant. Mes textes sont comme des conversations avec ma sœur ou avec mon frère. Mon groupe s’est donné à 110% afin de me soutenir. Tout mon entourage professionnel m’a aidé afin de me rendre la tâche la plus facile possible et confortable. Je n’avais qu’à faire le job, car tout a été mis en œuvre dans le but que je sois le moins affecté possible.
Quel est, actuellement, ton état d’esprit ?
Tu sais, je commence à vieillir et je veux saisir l’opportunité de rester le plus performant possible. Notre groupe est heureux de faire de la musique et travaille dur pour cela. Le fait d’être de retour en France pour cette tournée est une chose particulière en ce qui me concerne. J’ai vécu dans ce pays et j’y ai rencontré de nombreux amis dont j’ai appris beaucoup de choses comme je te le disais au début de notre entrevue. Je parle un petit peu le français et je le comprends. Mon ressenti actuel est donc très bon car je retrouve une famille.
Pourquoi as-tu décidé de reprendre le marceau « Kiddeo » de Brook Benton sur cet album ?
Lorsque j’étais enfant j’ai été très marqué par les goûts de mon frère aîné, dont la chanson préférée était celle-ci. Durant mon enfance, je l’entendais tous les week-ends et ma mère la passait aussi lorsque nous rentrions de l’école ou quand elle faisait le ménage. Je voulais faire une reprise d’une ancienne chanson en hommage à mon frère. J’ai donc appelé ma mère afin de lui en parler et elle a, immédiatement, évoqué « Kiddeo ». Mon groupe m’a, par la suite, encouragé à l’interpréter…donc j’y suis allé (rires) ! J’en ai livré une version enregistrée avec des arrangements roots, fidèles à la version originale. Ceci afin de sensibiliser les plus jeunes à cette sonorité. Il est dommage que beaucoup ne connaissent pas ce titre. Le but était de leur faire découvrir ces sonorités et de les pousser à aller plus loin dans leurs recherches. Je sais que certains ont, grâce à cette démarche, appris à apprécier Brook Benton. C’est vraiment cool (rires). En résumé, je peux te dire que cette chanson est vraiment spéciale à mes yeux…
Comment pourrais-tu décrire ton évolution musicale depuis tes débuts et la sortie de ton premier album, « The Next Generation », en 1990 ?
Mon père m’a toujours dit de garder les yeux ouverts et d’écouter tous les styles musicaux. Ceci en s’imprégnant au maximum de ces sons mais tout en restant soi-même. Quand on est musicien, il est toujours tentant de vouloir suivre les pas de ses idoles ou de se contenter de recréer ce que l’on aime le plus écouter. Il faut, au contraire, s’obliger à conserver sa personnalité. Le tout en se contentant de s’inspirer des choses qui se font. C’est un mélange entre ses influences et son feeling. C’est ce que j’essaye de faire depuis mon premier album qui était déjà une relecture personnelle du blues, du rock, du funk…bref, de toutes ces musiques avec lesquelles j’ai grandi. Mon père me disait de ne pas essayer de jouer comme lui mais de m’inspirer de toutes les musiques qui m’ont vu grandir. Il ajoutait : « Le mélange de tout cela, créera le véritable style de Bernard Allison ».
As-tu déjà commencé à travailler sur de nouveaux projets ?
Nous allons nous concentrer sur cette tournée qui s’étale sur une année entière. Avec l’album « Let It Go », nous allons beaucoup voyager mais feront un break afin d’enregistrer un nouveau disque au mois de septembre 2019. Il devrait donc sortir l’année prochaine. Je suis, actuellement, très occupé avec cette tournée et il n’est pas impossible que, dans les deux années à venir, nous proposions un album live réalisé avec mon groupe actuel. Ce CD/DVD proposera des relectures scéniques de l’album « Let It Go » ainsi que du disque à venir. Bernard Allison est donc très occupé (rires) !
Que ressens-tu à chaque fois que tu montes sur scènes et que tu te retrouves sous le feu des projecteurs ?
Je fais en sorte que ma voix soit bonne puis, avec le groupe, nous prenons un grand plaisir à jouer et à essayer de créer quelque chose d’unique. Chaque soir, ce n’est pas nous qui faisons le concert mais les gens qui y assistent. Avec les fans, cela ne se passe pas comme s’ils allaient voir un film au cinéma. Nous mettons tout en œuvre afin de créer une interaction, pour que tout le monde se sente bien. Il faut qu’il y ait une place pour chaque personne durant le spectacle…
Que souhaiterais-tu dire de plus à ton public français ?
(Bernard se lance dans une réponse en français, nda) Merci beaucoup pour cette opportunité qui me permet de revenir en France. Je vous aime tous (rires) ! (Puis, il poursuit en anglais, nda) N’hésitez pas à venir nous voir et à passer du bon temps avec nous. Bernard Allison adore l’idée de pouvoir tous vous revoir !
Remerciements : Marina Daviaud (BMK Agency – On The Road Again), Bernhard Schulte.
https://www.bernardallison.com
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